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29 mars 2024

Rencontre avec Yoann Marc, le maraîcher breton qui fait fleurir les légumes bio à la ferme de Port Neuf à Cléder (Podcast)

Animé par Mégane Fleury (Ouest-France)

Mégane Fleury : Bonjour, Court-Circuit prend la route du Finistère ce mois-ci. J'ai rencontré Yoann Marc à la ferme de Port Neuf à Cléder, à une quinzaine de kilomètres de Roscoff. Il est maraîcher et produit différents légumes de saison en agriculture biologique.

Pour Court-Circuit, il raconte son parcours depuis l'installation jusqu'au choix de quitter sa coopérative. Yoann Marc se confie aussi sur les difficultés de sa filière et du métier en général, mais il témoigne surtout de sa passion pour sa profession. Et au micro, vous entendrez aussi sa sœur, Alexia, qui l'a rejoint sur la ferme il y a deux ans.

Tous deux nous font découvrir un des légumes du moment, l’oca du Pérou. Bonne écoute !

Yoann Marc : Yoann Marc, j'ai 36 ans, je suis agriculteur sur la commune de Cléder. C'est une commune littorale. On se situe à Port Neuf, d'où le nom de notre exploitation, qu'on a appelée la ferme de Port Neuf.

Donc il se situe à 200 mètres de la mer et du petit port de Port Neuf. On produit une quinzaine de légumes de saison sur 38 hectares, sur l'exploitation. Donc ça va du chou-fleur jusqu'à l'oignon rosé de Roscoff, en passant par des légumes oubliés, l'oca du Pérou, le topinambour, les liantis...

Donc on est vachement diversifié suivant la saisonnalité des produits.

Alexia Marc : Moi c'est Alexia, je suis la sœur de Yoann et j'ai 27 ans dans un mois. Moi je travaille ici depuis maintenant deux ans. Avant je travaillais à l'hôpital, donc je fais ma libre radio de formation.

Et ensuite, lors de mon congé maternité, Yoann m'a proposé le projet de distributeur automatique de légumes qu'il voulait lancer. Du coup moi je me suis dit que je saisissais l'opportunité, que de toute façon je serais toujours ma libre radio. Et je ne regrette pas à l'heure d'aujourd'hui.

Alexia Marc : Finalement je m'occupe moins des distributeurs maintenant, parce que j'ai été un petit peu appelée au commerce, parce qu'entre temps Yoann est devenu indépendant.

Là on est au niveau de la station de conditionnement, donc du coup c'est là que le personnel conditionne les légumes. Donc on les met dans les caisses, ça veut dire qu'on les range dans les caisses, on les trie. Là ils font des échalotes qui ont été récoltées déjà l'été dernier, qui sont repassées sur chaîne pour qu'on trie et qu'on enlève ce qui a germé, ce qui n'est plus considéré comme consommable.

Yoann Marc : Je suis agriculteur depuis juin 2013. J'ai récupéré l'exploitation familiale après avoir sauté une génération. Donc mes grands-parents sont allés en retraite en 1994 et moi je me suis installé en 2013.

J'ai eu mon bac en 2008, donc 6 ans de salariat avant. Et j'ai eu l'opportunité, parce qu'il y a des baux notariés qui se font, de récupérer au bout de deux baux de 9 ans, donc 18 ans. Et mon grand-père m'avait parlé de ça, j'ai dit c'est l'occasion, on se lance et on y va par plaisir de l'agriculture.

Je me dis au lieu de travailler pour un patron, c'est toujours plus satisfaisant de travailler pour soi-même. Je me suis installé sur 10 hectares, donc vraiment la base de l'exploitation de mes grands-parents. J'ai loué les terres, et on a commencé par faire de l'artichaut petit violet, de l'artichaut castel, typique de la région, un peu d'échalotes, un petit peu d'oignons rosés de Roscoff, et un petit peu de choux de couleurs et Romanescu.

Donc des cultures assez compliquées, à des fortes marges brutes, pour pouvoir démarrer l'activité seul et pour pouvoir se faire une trésorerie pour commencer. Et 10 ans après, 11 ans après, l'exploitation se retrouve avec 14 salariés, donc on a quand même bien bien avancé dans le projet.

Yoann Marc : J'ai fait le choix de m'installer en conventionnel, au vu de la difficulté de la reprise. J'ai fait 2 ans de conventionnel, et une fois que la trésorerie l'a permis, j'ai passé le cap du bio, donc 2 ans de conversion, et je suis arrivé dans le bio. Je suis parti dans le bio essentiellement pour un aspect de manger sain, et de produire plus sainement, et de ne pas avoir des produits, on va dire, de dérivés de produits chimiques, pour, comme on entend de plus en plus, les perturbateurs endocriniens, choses comme ça, et puis un plaisir de gagner ma vie avec du personnel autour de moi, et de ne pas utiliser de produits, voilà.

Déjà dans un premier temps, moi j'étais affilié à Biobreizh, donc à une coopérative qui est de 50 ou 60 producteurs, et nos routes se sont arrêtées il y a 3 ans sur des questions que moi j'étais pas d'accord avec la coopérative, donc on a quitté la coopérative, et on est parti dans un cycle seul. Donc au bout d'un moment on trace sa route, et on fait les idées qu'on veut, et qu'on pense être bonnes. Eux ont leurs idées, moi j'ai les miennes, mais c'est pas pour ça qu'elles ne sont pas compatibles.

Ça se passe très bien.

Alexia Marc : Une volonté d'indépendance aussi. Une volonté d'indépendance, de suivre ta ligne de conduite, et pas la ligne de conduite des autres. Ça te représente bien ça ?

Yoann Marc : Oui. Nous on vend nos produits avec de la vente aux particuliers, avec l'aspect des casiers automatiques de légumes, donc c'est des boîtes automatiques 24h/24 sur la commune de Cléder et de Plouescat, donc il y a une partie du légume, on va dire 10%, qui est vendu comme ça, et le reste est vendu sur les marchés de gros, restaurateurs, magasins spécialisés, pour l'instant on ne fait pas de grande distribution. Moi ce qui me réjouit dans mon travail, c'est qu'on maîtrise mieux notre circuit, mais au final on a vraiment le résultat de la production au consommateur.

Là on est vraiment dans l'optique tout de nous. Après l'aspect financier, ça viendra au fur et à mesure, ça sera peut-être plus long que d'aller dans un aspect classique, où tu vends à une coopérative, tu ne t'occupes pas de la commercialisation, mais c'est plus satisfaisant. Et à l'heure actuelle, la satisfaction ça joue aussi dans le moral.

On est toujours en période de crise en bio, parce qu'il y a beaucoup de déconversion quand même en France, la filière va mal. Maintenant, c'est de savoir ce qui se dira dans les années à venir. Moi je trouve dur que l'agriculteur soit dans une filière où il a besoin d'aide, parce qu'on devrait quand même être rémunéré à la juste valeur de notre travail.

Ne serait-ce que pour le métier, c'est un beau métier, les heures qu'on fait, les contraintes qu'on a, parce qu'on peut être le matin en train de récolter des légumes, l'après-midi comme je vous dis, être en train de changer un moteur électrique, ou de faire une vidange de tracteur, ou de changer une roue. Donc c'est très très vaste, c'est un beau métier, mais qui est très très vaste, il faut être multi-casquettes. Je suis en train de m'intéresser à mes graines pour la saison prochaine, ça a pris encore 25%.

Et moi si je dis à mon client, l'année prochaine ça sera 25% de plus le produit, et il va me rigoler au nez. Le prix il est au national, il n'est pas harmonisé que pour nous. Et ça je trouve qu'on n'est pas assez maître de nos prix.

Il y a des légumes, si je mets tout, cumulées, les charges, tout ça derrière, on n'est même pas au prix. Là à l'heure actuelle, on fait de l'échalote cette année, on sera en dessous de notre coût de production. Mais qui travaille en dessous de ses coûts ?

Qui travaille à la perte ? À l'heure actuelle, qui travaille à la perte à part les agriculteurs ? Et qui vend des produits ?

Je vais aller encore plus loin, qui vend son produit sans savoir quel prix il va être payé ? C'est pas normal, au bout d'un moment il faudrait remettre des limites, mais je vois que c'est dans l'actualité un peu. Mais on est sur la bonne voie, mais c'est long.

Yoann Marc : C'est ce qui m'a fait me mobiliser, mais mobilisation lourde pour nous. On a été quand même sur les points de manif pendant deux semaines. C'est de la concession que ce soit au niveau du travail et au niveau aussi des enfants, de la famille, parce que j'ai quand même trois enfants.

Tenir le point pendant longtemps, c'est très dur. On a quand même été il y a deux mois là-dessus, et il n'y a pas de conséquence. Pour l'instant, rien n'a bougé.

Notamment en bio. C'est encore plus triste.

Je rajouterais, garder dans l'aspect positif, il ne faut jamais être négatif.

C'est un joli métier, on aime ce qu'on fait. Tous les jours, je me réveille avec le sourire, j'ai hâte d'aller au travail. C'est une chance d'aimer son travail.

Moi, j'aime ce que je fais. Ça demande du stress, de l'investissement, mais j'aime ce que je fais.

Il y a de plus en plus de départs à la retraite qui arrivent. On est de moins en moins. Dans mon cas, en s'installant hors cadre familial, il n'y en a pas beaucoup. J'ai une personne que je connais qui s'installe, qui est éminent, qui s'installe au 1er janvier 2026.

J'en suis très fier. Il y a un voisin qui s'installe juste à côté de chez nous. C'est vrai que c'est une fierté, mais il n'y en a pas beaucoup.

Ça se compte sur les doigts d'une main en dix ans. Il faut avoir bien le cœur accroché. Si c'est l'aspect financier qui fait avancer les gens, là, il vaut mieux qu'ils passent leur chemin.

Parce que ce n'est pas l'aspect financier qui... C'est la passion avant tout. C'est à eux de bien penser à leur projet, de savoir ce qu'ils veulent et vers où ils veulent aller.

Mais que le... C'est... Comment dire...

S'ils se lancent, ils ne peuvent pas revenir en arrière. S'ils vont dans ce projet d'agriculture, c'est de l'investissement humain, c'est de l'investissement financier. C'est irréversible.

Si on va dans un projet tel que celui-là, c'est un projet de vie, professionnel, c'est tout. C'est tout. Moi, si je vais agriculteur, c'est jusqu'à ma retraite.

Je pense à des choses lointaines. Capital physique, il faut faire attention, plein de choses. Est-ce que demain, si je suis malade, comment ça se passe ?

Il faut voir tout. Tout, tout, tout. On a l'aspect climatique qui rentre en jeu énormément.

Du fait qu'on fait du plein air, c'est clair. On ne fait pas du hors-sol, on ne fait pas de serre. Là-dessus, on travaille avec la météo tous les jours. Tous les jours. Et c'est 3-4 fois par jour qu'on regarde la météo.

Alexia Marc : C'est un Oca du Pérou. C'est un petit tubercule qui est de couleur rose, qui est très joli d'ailleurs. Ça fait à peu près la taille d'un pouce.

C'est un légume racine qui est un... C'est quoi, Yoann ? Tu peux parler un peu plus de l'Oca ?

Yoann Marc : C'est un tubercule qui pousse par reproduction, un peu comme le système de la pomme de terre. On le replante et du coup, il se multiplie. De début décembre à avril, c'est la période de commercialisation.

Après, il va recommencer à faire des germes et on va le planter en avril. Après, c'est un produit tout manuel. On le récolte tout manuellement. C'est très très très bon. Il a un petit goût acidulé. Il y a des chefs cuistots qui le travaillent comme ça.

Ou alors, on peut le faire cuire autour d'un rôti, au four. Du coup, il va devenir très tendre. Encore moins dur qu'une pomme de terre.

Très très tendre. Par contre, il perd sa couleur un peu.

Alexia Marc : Ça se mange avec la peau et notamment parce qu'il est bio. Comme tous nos légumes, carottes, on peut plus facilement les manger avec la peau. C'est aussi un gain de temps sur l'épluchage.

Il faut mettre un peu de miel avec pour le rendre plus gourmand et le faire sauter à la poêle une dizaine de minutes à peine pour le rendre un peu croustillant et un peu plus gourmand. C'est très bon. Il ne faut pas hésiter à acheter du l’oca du Pérou, de la ferme de Port Neuf.